Leila se trouvait dans la voiture de ses parents, regardant les arbres défilés à toute vitesse. Ils étaient en route pour la Pension Hinata, là où la jeune fille allait désormais vivre, loin de ses parents. C'est la première fois qu'elle sortait alors autant vous dire que ça lui faisait peur.

C'est un tout nouveau monde, pour elle. Un monde qu'elle ne connaît pas, peut-être effrayant et hostile. Mais ce qui lui faisait le plus peur c'était de rencontrer des gens de son âge. Elle n'avait jamais rencontré personne dans sa vie antérieure.

Quand la voiture s'arrêta devant le bâtiment et que ses parents ouvrirent sa portière, Leila posa un pied par terre l'un après l'autre. Elle détailla le bâtiment des yeux puis regarda tour à tour ses parents. Ces derniers la prirent dans leur bras puis remontèrent dans la voiture. Non sans difficultés. Ils n'aimaient savoir que leur fille si fragile allait rester seule parmi des inconnus.

Finalement, ils partirent faisant un dernier signe de la main à leur fille adorée. Leila paniqua de rester seule. Elle n'arrivait pas à se résoudre à entrer.

Cet après-midi était comme les précédents... Effectivement, une nouvelle fois, il ne faisait que de pleuvoir des flocons ce que je trouvais assez déprimant... Alors que la pension était très calme, j'étais dans la cuisine en train de prendre deux trois morceaux pour combler ma faim. Soudain j'entendis le bruit d'un véhicule s'arrêtant devant le bâtiment, puis repartir. Tout en m'enfilant un gros cookie en un seul coups dans ma bouche, je me dirigeai vers la porte d'entré, trop intrigué pour ne rien faire. Soudain je butte contre je ne sais quoi et m'écroule sur le sol, en profitant pour recracher le cookie en miette. Pourquoi devais-je tout le temps tomber, c'était presque une habitude... Quoi qu'il en soit, je me relevai rapidement, pensant que la prochaine personne qui passerait nettoierait bien le sol et j'atteignais enfin la grande porte qui mène à dehors. Je l’entrouvrais alors et sortais ma tête du petit espace qui séparait la porte du mur. Enfin, je vis une personne qui restait plantée là, sous la neige qui envahissait le paysage. Je pris un ton assez puissant pour qu'elle puisse m'entendre pendant que je la cherchais du regard.

"Bonjour!! Avez-vous besoin d'aide? Non?"

Je me préparai déjà à repartir, le froid envahissant mon corps.

Ce matin, quand je m’étais levée, j’avais été ébahie devant le spectacle de la neige qui tombait, tout doucement, devant la fenêtre de ma chambre. Cela faisait déjà quelques jours que le froid régnait dehors, et j’adorais ça. L’hiver était vraiment une saison magique… Je ne pouvais qu’apprécier ce  joli paysage tout blanc.

Nous étions maintenant l’après-midi, et rien n’avait changé. Il me prit l’envie d’aller me promener un peu sous les flocons, plus nombreux que ce matin. Je saisis mon manteau, l’enfilai, et descendis en priant pour ne rencontrer personne. Si bien évidemment j’avais envie d’une bataille de boules de neige, ce serait pour plus tard. Je sentis qu’il y avait quelque chose sous mes pieds. Je levai le gauche et remarquai que cette chose était en fait des miettes de cookies. Une nette trace d’un passage humain. Lorsque j’arrivai près de l’entrée, je distinguai une silhouette qui semblait être celle d’Haiko. Et mince… moi qui voulais être seule… Je m’apprêtais à faire demi-tour quand j’entendis sa voix. Il s’adressait à quelqu’un, donc cette autre personne ne devrait pas être loin.

Je m’avançai, et je ne sais pas ce qui me se passa dans ma tête, mais je sprintai puis plongeai dans l’espace disponible pour sortir à l’air libre. Sauf que, dommage pour moi, je n’avais pas très bien calculé mon coup... je faillis glisser sur le verglas, et tomber en arrière. Devant la personne qui se trouvait face à moi. Heureusement que j'avais pu me rattraper... si j'étais tombée devant cette inconnue, je serais sûrement morte de honte à cette heure. Je ris et me tournai vers Haiko :

"Bonjour !"

Puis je m’adressai à la jeune femme :

"Bonjour à vous aussi ! Vous voulez quelque chose ?"

Leila sentait sa peur et son angoisse grandir face à ces deux personnes qu'elle ne connaissait. Quelle attitude devait-elle adoptée ? Le problème est que, puisqu'elle est muette, elle ne peut pas répondre à leurs questions.

Et c'est ce qui la gêne le plus. Faut dire que pour n'avoir jamais eu de contact avec des jeunes de son âge... Finalement, la jeune fille prit une grande inspiration et passa la grille du portail, lentement. Non seulement parce qu'elle savait qu'elle n'avait pas le choix mais aussi parce qu'elle à avoir froid, sous cette neige.

Son manteau ne l'aidait pas beaucoup. Ce qu'elle n'osait pas faire, c'était de s'avancer vers les deux inconnus, cette fille et ce garçon. Alors elle resta plantée là, le nez rougit par le froid. Elle, de son côté, n'aimait pas beaucoup la neige.

Car ça signifiait qu'elle allait s'attirer pleins de problèmes en tout genre. Comme glisser sur une plaque de glace - ou tout simplement sur la neige - et se casser quelque chose dès qu'elle toucherait le sol. Elle soupira. Quelle idée de l'envoyée ici en plein hiver. Les autres allaient avoir une mauvaise impression sur elle dès le départ.

Bref. Leila continua donc à rester là, comme figée dans un glaçon.

Alors que l'inconnue ne semblait pas très déterminée à se déplacer, des bruits de pas surgirent soudainement derrière moi, à l'intérieur. J'eus à peine le temps de tourner à moitié la tête et de déposer mon regard vers là d'où provenait le bruit qu'une grande chevelure me fouetta et que je fus propulsé en dehors du bâtiment, chutant peu après sur la neige. Je sentis immédiatement le froid envahir encore plus mon corps, ce qui me rendis assez énervé sur le moment. Je me relevai aussitôt, le pantalon assez mouillé et me dirigeai vers Lenalee rapidement. J'enroulais mon bras droit autour du cou de la jeune femme et lui frottais puissamment le dessus de sa tête. Je finis par croiser le regard de l'inconnue avec un sourire sadique mais aussi avec une lueur d'interrogation dans les yeux.

"A cause de toi je suis tout mouillé!!!!!!!!..... Sinon... T'es nouvelle?"

Je lâchai Lenalee de mon emprise et frottais mes jambes, avant de souffler sur mes mains pour les réchauffer. Je tournai ensuite le dos et me dirigeai enfin vers le bâtiment. Je pris un ton puissant avec un air pressé.

"Bon! Ça vous dit on rentre là!?"

Après avoir posé ma question, je tournai la tête une nouvelle fois vers la porte et éclatai de rire. En sortant dehors aussi brusquement, j’avais poussé et fait tomber Haiko dans la neige, et je ne pouvais pas m’empêcher de trouver ça drôle. Il était tout trempé et n’avait pas l’air content, aussi je me demandai s’il fallait que je fuie, mais je n’eus pas le temps de réfléchir. Deux secondes après, j’étais toute décoiffée. Je ris de plus belle. Finalement, je n’étais pas fâchée d’avoir rencontré quelqu’un, ma journée serait sans doute moins ennuyeuse. Le jeune homme posa une autre question à l’inconnue mais elle ne bougeait pas, et ne répondait pas non plus. Elle devait pourtant sûrement nous avoir entendus… Je penchai ma tête sur le côté en continuant de l’observer. Elle avait l’air un peu triste, et las aussi. Je ne savais pas pourquoi. Peut-être que le froid faisait cet effet-là sur certaines personnes ?

"Hm ?"

Je me demandai si cette jeune femme était aussi timide que moi à mon arrivée, ou si c’était pour une autre raison qu’elle ne donnait pas de réponse. Haiko voulut rentrer et je pensai que pour la promenade sous la neige, c’était raté. Bah, j’aurai d’autres occasions. En attendant, je décidai de m’avancer vers l’inconnue et lui pris la main pour l’entraîner à l’intérieur :

"Rentre avec nous, il fait froid. Si tu veux, tu pourras nous dire ce que tu fais ici et on pourra t’aider. Ne t’inquiète pas, on n’est pas méchants !"

Puis je remarquai que le jeune homme, à quelques mètres, nous tournait le dos. Ah, c’était trop tentant. Il était déjà presque à l’intérieur. Je lâchai la main de la jeune femme, courus vers lui et le poussai de toutes mes forces.

De toute évidence, ces deux personnes ce connaissaient déjà. Et très bien, apparemment. Sinon, Leila ne pense pas qu'ils réagiraient avec autant de complicité. Elle aurait rigoler de voir l'inconnu trempé si elle n'était pas envahit par le gêne et la timidité.

Elle ouvrit de grands yeux quand il se dirigea vers la fille et lui ébouriffa les cheveux. Il faut avouer que la jeune fille n'était pas habituée de voir des gestes d'affection comme ceux-ci. Cela lui paraissait... étrange. Mais bon, c'est elle, la jeune fille muette et maladroite, qui ne connaît pas grand-chose au monde.

C'est sûr que pour ne pas avoir pu sortir depuis sa naissance... Ça aurait été étonnant qu'elle sache et comprenne quelque chose. Quand l'autre fille lui prit la main, Leila tressaillit et s'apprêtait à la retirer de celle de l'inconnue. Mais celle-ci la lâcha aussi vite qu'elle l'avait prise pour se diriger vers le jeune homme.

Leila fut très étonnée, surprise et troublée - oui, ces trois sentiments à la fois - quand elle la vit le pousser, alors qu'il entrait dans la pension. Mais elle sentit quelque chose au fond d'elle. Ils avaient l'air tellement... sympathique. Elle fit un pas puis un autre et, finalement, se retrouva près de la porte de la pension.

Mais pas trop près des deux inconnus, non plus. Elle ne voulait pas créer une série catastrophe dès son arrivée ici. Si ça arrivait - et elle savait que ça allait venir très vite, surtout en cette période de neige - elle ne pourrait même plus les regarder en face. Enfin, pour le moment, Leila se contentait de les observer pour comprendre comment elle devait réagir, dans ce qui est pour elle un nouveau monde.

J'atteignais enfin l'entrée quand je fus propulsé en avant et m'écrasai à l'intérieur du bâtiment sur le sol. J'eus un petit temps de réaction puis la colère m'envahit. Cette position honteuse que j'avais devant ce qui devait être une nouvelle me mis hors de moi. Je me relevai rapidement et m'approchai de Lenalee, tout rouge. Je levai mon poing droit et m'apprêtai à la frapper puissamment mais quelque chose me retins malheureusement.. Je la tuai du regard et pris un ton assez calme quand même.

"Tss... T'as de la chance d'être une fille... Sinon je t'aurais déjà frappé.."

Je ne pus au final m'empêcher de refaire la même chose qu'auparavant, lui frotter donc puissamment le crâne, oubliant un petit moment la personne qui nous observait. Après un petit instant, je me rappelais qu'une personne était planté là, face à nous, sans rien faire. Je lâchais alors la jeune femme en riant et reposais mon regard sur l'inconnue. Je m'approchais d'elle pour finalement fermer la porte pour qu'elle ne s'enfuie pas. Enfin je reprenais la parole, espérant cette fois une réponse.

"Donc t'es nouvelle c'est ça?"

Je fis quelques pas, puis m'arrêtai enfin entre les deux personnes.

"Ne t'inquiète pas, il y a de la place pour toi ici!"

La jeune inconnue affichait une expression étonnée et apeurée, comme si elle ne comprenait pas ce qui arrivait. Je savais que ça allait être difficile de lui faire dire quelques mots, mais je la comprenais, d’un autre côté. C’était sûrement une nouvelle vie qui commençait pour elle, et adresser la parole à des inconnus complets en arrivant dans un endroit tout aussi inconnu devait être un vrai défi si elle était timide, comme moi. Je la comprenais car je n’étais pas non plus à l’aise avec les gens dès la première rencontre. Tout de même, faisions-nous si peur que cela ? N’inspirions-nous pas confiance ? Nous avions pourtant essayé de bien l'accueillir...

Ensuite, je me souvins de ce que je venais de faire à l’instant, c’est-à-dire que j’avais poussé Haiko de toutes mes forces. Je jetai un coup d’œil là où il se trouvait et ne pus m’empêcher d’éclater de rire. Je m’en voulais également, mais juste un peu, parce que je l’avais fait s’écraser par terre devant la jeune fille, qui garderait sans doute dans sa tête cette image de lui. Je le vis se relever et le suivis du regard. J’allais m’excuser quand je m’aperçus qu’il levait son poing sur moi. Je me protégeai instinctivement mais heureusement, il se ravisa et se justifia en disant qu’il ne m’avait pas frappée parce que j’étais une fille. Un petit rire démoniaque s’échappa de ma bouche.

"Mouhahahahahaha … Faut pas m’en vouloir c’était bien trop tentant."

Il fit la même chose en guise de vengeance que quand il était tombé à cause de moi tout à l’heure, et je ris de plus belle. Il me lâcha ensuite pour tenter d’obtenir des réponses auprès de l’inconnue qui n’avait toujours pas dit un mot. Mon esprit s'éclaira :

"Oh ! Je sais ! Si elle ne veut pas parler, il ne faut lui poser que des questions auxquelles elle peut répondre oui ou non ! Mais en fait… c’est ce qu’on fait depuis tout à l’heure… Ah, tu veux peut-être l’écrire ! Ce sera plus facile sans doute ! J’ai envie de savoir qui tu es… Tu veux bien?"

Je partis chercher un papier et un crayon sans attendre de réponse puisque je me doutais qu'il n'y en aurait pas. Une fois que j’eus tout trouvé, je lui tendis avec un grand sourire.

Ce n'était pas une si mauvaise idée que Lenalee avait là. Mais, bien sûr, je ne pouvais m'empêcher de raconter une bêtise de plus. Je frappais amicalement son épaule gauche avec un grand sourire moqueur, lui faisant ensuite un clin d'oeil.

"Mais tu n'es pas si bête que ça dis-moi!!"

Je fis un rire fort et désagréable avant d'observer la scène qui suivit. L'inconnue fronça les sourcils quand elle vit l'autre jeune femme lui tendre de quoi écrire. Elle semblait blessée. Peut être me trompais-je mais c'était ce que j'arrivais à percevoir comme sentiment sur son visage. Elle repoussa avec un force impressionnante la main de Lenalee et s'en alla en claquant la porte derrière elle, courant surement afin qu'on ne puisse pas la rattraper. Cette réaction restera pour toujours un mystère pour nous deux, qui restions désormais immobiles dans le silence total. Puis, alors que je m'apprêtais à le briser, je me rappelais de ce qui s'était produit entre nous deux. Pourquoi m'en rappelais-je à ce moment précis? J'avais bien tout oublier pendant la fête du nouvel an! Peut être à cause de l'alcool.. Je n'en savais rien. Quoi qu'il en soit un grand mal aise planait entre nous deux dans le salon. J'étais parti le matin même après que nous ayons couchés ensemble mais ce n'était pas comme si je n'allais pas revenir. C'était tout de même notre chambre! Mais... J'étais quand même parti sans dire un mot. Y avait-elle pensée pendant la grande fête du nouvel an? J'en avais bien peur. Je soupirais alors un bon coup pour me détendre et rompais avec un ton puissant le grand silence, n'éloignant pas pour autant le mal aise qui nous écartait l'un de l'autre.

"Pas grave pour l'autre ce n'était peut être pas une nouvelle finalement. Et au pire si ça l'était elle reviendrait je pense. Sinon... Tu vas bien..?"

Je rivais alors mes yeux vers les siens, arrivant à ma grande surprise à lire dans son regard. Je savais qu'elle y pensait. C'était obligé. Je ne pouvais pas croire le contraire, cela se voyait. Mais encore... Quel sentiment survenait lorsque cela arrivait? Je ne le savais guère. Et je souhaitais justement connaître cela. La meilleur solution pour moi, à ce moment, était d'être franc et direct. Je me mordais les lèvres inférieures. On allait bien voir comment cela allait se passer... Je pris un ton assez faible avec un regard plein d'interrogation.

"T'sais... J'suis désolé pour la dernière fois... J'avais un truc à faire..."

Je passais ma main dans mes cheveux pour dégager mon front. Peut être qu'il fallait profiter d'être seul à seul pour en parler. Ou alors peut être qu'il ne fallait pas.

Haiko venait de se moquer de moi et je ne savais pas trop comment le prendre. Cela n’avait pas l’air méchant mais sur le coup, ça m’énerva plus que ça ne m’amusa. J’ignorai donc la remarque et fixai la jeune femme en face de moi. Bizarrement, elle n’avait pas l’air content du tout. Avais-je fait quelque chose de travers ? Après quelques secondes, elle sembla se crisper et sa main partit d’un seul coup vers la mienne. Elle avait frappé fort et le papier et le crayon que je tenais volèrent à travers la pièce. Je la regardai partir en courant et claquer la porte, désemparée. Elle aurait pu glisser et tomber mais elle eut de la chance. Maintenant on ne la voyait presque plus. Je ne bougeai pas. Tout ce que je me demandais était "Pourquoi ?" Oui, pourquoi ? Qu’est-ce qui s’était passé dans sa tête à ce moment pour qu’elle ait cette réaction ? Nous ne le saurions sans doute jamais… Dommage, mais finalement ce n’était pas si grave.

Sauf que maintenant qu’elle était partie, je me retrouvais toute seule avec Haiko. Et une fois que je l’eus réalisé, le souvenir de la dernière fois que nous nous étions retrouvés seuls remonta à la surface. Mon visage s’empourpra. Je voulais partir mais… je ne pouvais pas m’y résoudre. Puis je me souvins… Du lendemain matin. Le lendemain matin de la fois où nous avions couché ensemble. Il était parti sans rien dire. Et ça m’avait profondément blessée, en grande partie parce que ça avait été ma première fois et que je m’étais sentie terriblement seule après. J’avais vécu cela comme un abandon de sa part. J’avais réussi de mon côté à l’oublier le temps de la soirée du nouvel an, parce que je m’étais tellement amusée que je n’avais pas eu le temps d’y penser, ou presque pas. Je baissai la tête tout d’abord, pour ne pas le regarder. J’étais triste et en colère en même temps. C’était difficile à gérer. Je mordis mon doigt, autant parce que j’étais gênée que pour ne pas céder aux larmes que je sentais me monter aux yeux. Je l’écoutai parler et relevai la tête doucement. Cette fois-ci, j’avais beau essayer de cacher mes sentiments, je n’y arrivais pas. Tant pis.

Comme il devait y penser autant que moi, il lança le sujet. Je pris d’abord peur et fis un pas en arrière, mais quand j’entendis son excuse, je ne pus m’empêcher de lui jeter un regard noir en ignorant totalement le fait qu’il était désolé. *Sérieusement ? Un truc à faire ? Et… tu pars sans rien dire, sans que je sache pourquoi ? T’avais un truc à faire ? Franchement… C’est vraiment… juste pas crédible. Tu le sais ça ? Pas du tout crédible.* Je n’avais jamais vécu une telle situation avant, mais je savais bien reconnaître les fausses excuses, le genre d’excuses pourries qu’on donne pour se sentir moins coupable, et je ne supportais pas qu’on me mente comme ça.

Les larmes que j’avais contenues jusqu’à présent se mirent à couler d’un seul coup. Je secouai la tête et essuyai mes joues d’un geste rageur. Je n’étais tout de même pas aussi faible ? Si ? Je n’arrivais plus à retenir mes sanglots, et de toute manière à présent je m’en fichais. Je voulais juste qu’il sache ce que j’en pensais. Il était temps de s’expliquer.

"Tu vois… J’suis pas sûre que c’est vrai ce que t’es en train de me dire. Tu peux pas savoir à quel point j… j’ai été blessée parce que… parce qu’on dirait que tout t’est égal tant que tu as ce que tu veux. J’me suis sentie… Sa… salie. Je sais même pas si y a eu d’autres filles avant, et je sais pas non plus si tu t’es comporté de la même façon avec elles. Mais bon. Ca sert à rien que je parle autant, t’en as sûrement rien à faire... Enfin, au moins c'est dit."

Je haussai les épaules et baissai la tête. Je n’avais rien d’autre à dire et je regrettais déjà d’avoir avoué ce que je ressentais.

Je me sentis noyé dans son regard noir. Au final.. Où était le problème? J'étais sortis le matin mais elle devait savoir que je reviendrait étant donné que c'était NOTRE chambre. Ses plaintes m'irritaient vaguement. Et puis... Les femmes, cela parle trop... Et bla et bla et blablablabla etc.. J'en avais ras le bol. Je fus tout de même surpris de la voir pleurée pour cela. Ce n'était qu'une vulgaire histoire d'un soir de toute façon. Je ne me souvenais pas lui avoir dit qu'il y en aurait plus. Elle ne s'était quand même pas imaginée le contraire! Si? Je ne m'étais pas douté une seule seconde que ça lui briserait le coeur. Était-elle véritablement tombée sous mon charme..? Pourquoi..? Je ne savais plus quoi répondre. Pourquoi passais-je pour le méchant? Je ne souhaitais que m'amuser pour un soir...

Pendant qu'elle parlait et enchaînait les explications, je baissai les légèrement la tête en détournant les yeux. Mes poings se serrèrent, puis finalement se décrispèrent.

Quand je déposai mon regard sur elle à nouveau, son visage ruisselant de larmes me souleva le coeur. Il me rappela le visage de ma petite soeur... Ho non... Pourquoi encore le passé?.. Pourquoi n'arrivais-je pas à tourner la page?.. J'étais à bout!

"Kh..."

Mon visage se crispa et je tournai la tête vers l'escalier. Mon ton se fit calme. J'essayai de cacher ma tristesse en faisant en sorte qu'elle ne me vit que de profil. Elle avait déjà assistée une fois à une de mes crises et je ne souhaitais pas paraître pour un homme faible.. Je décidai donc d'en terminer le plus vite possible avec cette discussion qui faisait disparaître notre amitié aussi vite qu'elle était arrivée.

"Lena..."

Je soufflai un bon coup et m'arrêtai en arrivant devant l'escalier, lui faisant à ce moment dos.

"Tu me saoules."dis-je sèchement.

Enfin, je fuyais dans ma chambre pour pouvoir être seul tandis que cette image de ma soeur qui vivait ses derniers instants me hantait toujours autant. Arrivé dans la pièce, je m'écroulais par terre à quatre pattes en fixant le sol alors que quelques larmes m'échappaient. Je frappais mon poing contre le sol. Mais qu'est-ce que j'avais fait!? Pourquoi était-ce à moi que c'était arrivé?? Et voilà que je me plaignais alors que d'autres personnes étaient surement dans de pires situations que la mienne. Je suis inexcusable. Je suis un bon à rien.. J'avais été trop méchant avec la pauvre femme. Et je dis que je ne souhaitais qu'une aventure d'un soir? Et si j'en voulais plus désormais? Me mentais-je à moi-même? J'étais complètement perdu.

Je finis alors par me calmer après des pleurs et un hurlement dû à une petite crise de folie qui m'avait fait déranger toute la chambre, maintenant dans un bazar total. J'étais allongé au milieu de la pièce et tournait la tête vers la fenêtre. Le temps était toujours aussi mauvais n'est-ce pas..? Ce n'était pas très encourageant cela non plus.. Enfin, je m'endormis sur place sans m'en rendre compte. Peut être était-ce la meilleure chose à faire pour l'instant..

^^:

Il eut tout d’abord l’air las et agacé. Eh bien quoi ? N’avais-je pas le droit de dire ce que je pensais ? Etais-je si chiante que ça ? Ou alors… peut-être bien que je ne me rendais pas compte de tout le drame que j’en faisais ? Il croyait sûrement que je n’avais rien espéré de plus qu’une nuit… sauf que si. Dommage. J’avais tendance à trop attendre des gens et à m’attacher bien trop rapidement à eux, ce qui était bien embêtant. Autant pour moi que pour les autres, en fait. Dans le cas présent, ça l’était encore plus que d’habitude.

Oui, j’étais parfaitement au courant que ce qui était arrivé devait rester l’affaire d’un soir. Puisque c’était clair dans mon esprit, pourquoi alors j’étais si triste et en colère contre Haiko ? Peut-être parce que cette idée ne me plaisait pas. Car en le sachant, je m’étais sentie après coup comme un objet, utilisée pour un petit moment de plaisir personnel puis jetée. Le départ du jeune homme avait accru cette impression. Et c’était certainement comme ça qu’il m’avait vue ce fameux soir. Il ne comprenait sans doute pas ce que ça me faisait, pensait peut-être que ce n’était rien du tout et que je n’avais pas à me plaindre autant parce que je savais ce qu’il en était. En fait, je n’aurais même pas dû ouvrir la bouche. Il aurait mieux valu que je hausse les épaules et que je parte. Qu’est-ce qui me poussait à me battre exactement ? *Ah, Lena’, t’as vraiment cru qu’il te prendrait dans ses bras et qu’il s’excuserait sincèrement, hein ? Voilà un joli faux espoir…*

Après avoir entendu ce qu’il trouvait à répondre, j’ouvris grand  les yeux. Cela avait fini de m’énerver. Il avait paru en même temps tellement indifférent et tellement agacé… Quoi alors, il était insensible à ce point ? Ou c’était juste pour cacher d’autres sentiments ? Au lieu d’essayer de lui trouver des excuses du genre : "Oh ouais mais, c’est un mec, c’est normal qu’il comprenne pas…" ou alors : "C’est de la fierté, c’est pas grave…", comme je l’aurais fait la plupart du temps, je ruminais ma rage. J’avais terriblement envie de le frapper, de lui crier dessus mais il était déjà dans l’escalier. J’aurais pu le rattraper, mais je n’en eus pas le courage. De toute façon, cela ne servirait à rien, mais alors à rien du tout. A part peut-être à faire augmenter la tension entre nous.

Puis, toujours hors de moi, j’allai m’avachir sur le canapé pour finalement me mettre en boule. Je mordis ma lèvre jusqu’au sang en fermant les yeux et en laissant couler mes larmes. J’avais honte d’avoir pleuré et montré ma faiblesse, et j’avais honte de continuer de pleurer et de croire en quelque chose qui n’arriverait sans doute jamais vu ce que je venais de voir et d’entendre. Mais je pestais aussi contre Haiko parce qu’il ne comprenait pas que je puisse espérer. Ni que je pleure pour tout cela. Et puis d’abord… quoi je le saoulais ? J’avais fait quoi au juste ? C’était LUI qui était parti sans rien dire, LUI qui avait commencé à en parler, et LUI qui avait donné une excuse bidon. Et après ça, je le saoulais ? Et maintenant, était-il fier de ce qu’il avait fait ? Ou se sentait-il ne serait-ce qu’un peu coupable ? C’était cruel de ma part mais je voulais qu’il se sente coupable. Il y avait de quoi. Et si jamais ce n’était pas le cas, eh bien… Je le considérerais définitivement comme quelqu’un de détestable. Et tant pis pour mes sentiments. Après tout, je ne savais même pas où j’en étais. Je me réservais le droit de croire qu’il y avait peut-être un avenir… mais je lui en voulais beaucoup. Et puis, lui n’en voulait sûrement pas plus… parce qu’il avait moins pris à cœur que moi tout ce qui s’était passé. Il s’était simplement amusé. Voilà la raison pour laquelle il ne comprenait pas ma réaction et que celle-ci l’exaspérait. Mais même, même en prenant compte toutes les excuses et toutes les interprétations qu’il était possible de trouver, je ne pouvais pas pardonner comme ça.

Pendant plusieurs minutes, je continuai à pleurer. Je n’avais personne à qui parler. C’était dur. Pour oublier un peu, je sortis mon portable et mes écouteurs de ma poche, pour écouter de la musique. Tentative qui échoua. Mes larmes ne coulaient plus, mais je n’arrivais pas à arrêter de penser à ces événements. Découragée, je préférai fermer les yeux et commençai à rêver…