Samedi soir. J'avais finalement trouvé la laverie quelques jours auparavant n'ayant pas à porter mon costume de maid pour cette soirée au parc d'attractions. Vêtue d'un pantalon et d'une veste cachant un tee-shirt uni, je n'avais fait aucun effort vestimentaire particulier, voyant cela comme une sortie entre amis. Hélas, je n'avais trouvé personne pour nous accompagner Leo et moi. Le seul que j'avais pu rencontré m'avait vu un matin avant mon café et j'avais omis la fête foraine, ayant peut-être peur qu'il aborde notre rencontre, nos mots échangés et nos actes.

Avant de me retrouver devant Neverland, j'avais envoyé un message à celui qui m'avait proposé la sortie. "Salut ! Nous nous retrouvons bien ce soir pour Neverland ? A quelle heure ?". J'avais attendu la réponse et finalement, avais décidé de m'y rendre en avance afin de découvrir le parc et peut-être d'attendre Leo devant l'entrée. J'avais suffisamment d'argent pour nous payer nos entrées et quelques victuailles si la faim se faisait ressentir.

Prenant le tramway, j'étais finalement descendu à l'arrêt qu'une personne âgée m'avait indiqué et, il s'avéra que je me trouvais devant les lieux. J'avais levé les yeux pour me rendre compte de l'ambiance et pus apercevoir des montagnes russes, découvrir des lumières un peu partout et devant moi, une file d'attente interminable pour pénétrer dans les lieux d'où quelques cris et des rires s'échappaient. Je scrutais les gens, cherchant du regard Leo parmi la foule. Il n'était peut-être pas seul et s'attendait surement à me trouver avec des résidents puisque je ne lui avais pas écrit dans mon message que j'étais finalement seule.

Son bonsoir me fit sursauter avant que mon prénom me fasse soupirer. Ouf. Il m'avait trouvé. Il y avait beaucoup de monde et plus de japonais que d'autres nationalités et puisqu'un résident n'avait pas pu différencier deux japonais, j'avais opté pour le rechercher lui plutôt qu'il me trouve. Or, c'était l'inverse qui venait de se passer. Je plongeais mon regard noisette sur lui, vérifiant, en le scrutant des pieds à la tête, qu'il s'agissait bien de la bonne personne. Après tout, j'avais dit mon prénom à tellement de gens que n'importe qui pouvait m'interpeller dans la rue. Même un quelconque employeur qui ne m'avait pas recruté, connaissait ça.

"Bonsoir Leo !"

J'affichais un grand sourire, plissant les yeux avant de les ouvrir complètement et de regarder de chaque côté de lui. Personne. A croire que l'idée dont il parlait était celle de venir seuls ensemble, ici.

"Je n'ai pas pu ramener des locataires de la résidence... Je suis désolée..."

J'affichais un air contrit, baissant cette fois-ci mes yeux sur le sol. Je n'osais pas avouer que j'aurais pu inviter n'importe qui en faisant le tour des chambres, même ce mec croisé à la cuisine alors que le soleil venait de se lever. Mais je ne souhaitais pas mentir non plus. Je n'étais pas du genre à sortir une excuse telle que j'avais des cours préparatoires, la recherche d'un travail et tellement de choses à faire que je n'ai pu rencarder les gens sur le parc d'attraction.

Attendant un geste de sa part, je jetais un regard sur la droite où la file d'attente s'amenuisait doucement. Le moment idéal pour aller acheter des billets et entrer enfin dans la grande place aux multiples manèges. Le train fantôme, le grand huit, le love tunnel... Euh... Non... Pas le love tunnel. Mais la grande roue, pourquoi pas ! Afin de voir la ville d'en haut, il n'y avait rien de mieux.

"On y va ?"

J'avais souri une nouvelle fois en le regardant. Je pris sa main, sans attendre un simple hochement de tête et l'entrainais en marchant d'un pas confiant vers l'entrée. Une fois devant le guichet où se vendaient les tickets, j'entendis l'homme demander : "une entrée pour couple ?" Surprise, je regardais mon accompagnateur avant de lui lâcher la main. L'autre reprit : "l'entrée pour couple vous offre un tour en grande roue". J'hésitais. Un tour en grande roue... Dire que j'y avais pensé quelques minutes auparavant...

J'opinais de la tête. On ne ressemblait pas vraiment à un couple contrairement à ceux qui se trouvaient autour de nous et pour bénéficier du tarif, il fallait sans doute jouer la comédie comme eux. Les mains qui se tiennent, les regards amoureux, les quelques baisers échangés, les petits rires et sourires lorsqu'ils parlaient ou se regardaient... J'avais déjà connu ça. Avant d'en coller une à mon précédent petit ami pour avoir osé toucher sans mon accord ma poitrine. Bon, certes, on avait finit par connaitre divers plaisirs charnels mais, si Leo avait un geste malheureux, je devrais mettre un terme à notre amitié... L'idée ne m'enchantait pas néanmoins, il voulait sans doute faire un tour de grande roue pour en avoir parler, lui aussi.

J'entrepris donc de prendre sa main, et m'approchais de son visage en me mettant sur la pointe des pieds pour gagner son oreille et murmurer quelques mots...

"Je crois que nous devons nous faire passer pour un couple à ses yeux avant d'acheter les billets. Il a l'air de douter un peu sur une éventuelle relation entre nous et, c'est tout à fait légitime puisque nous ne sommes qu'amis."

Au fur et à mesure de mes mots, j'avais tenu son bras de ma main droite, tandis que ma gauche tenait la sienne. Il ne fallait pas glisser, il ne fallait pas que ma poitrine se pose contre son torse, il ne fallait pas que je m'approche trop près de lui... Je m'éloignais un peu, attendant sa réaction. S'il optait pour un oui, je devrais jouer la comédie le temps de passer le tourniquet et d'être dans le parc d'attractions à ses côtés.

"Il faut que tu le souhaites aussi... Sinon, ça ne marchera pas..."

J'avais, une fois de plus, soufflé dans son oreille quelques mots. Si je jouais la comédie seule, le guichetier me prendrait pour une fille complètement amoureuse d'un garçon qui ne l'est pas. Je passerai pour une stalker, une fan, et lui pour une idole ou la coqueluche d'un quelconque établissement. L'homme à la vente des entrées demanda alors:"Vous êtes un couple oui ou non ?"

N'attendant pas de réponses de la part de mon ami, j'entrepris de dégager le cou du jeune homme, afin de prouver que oui, nous l'étions à ses yeux. Je fermais ensuite les yeux et embrassais avec délicatesse une fois le cou de l'homme. Un baiser à cet endroit, ce n'était rien mais cela me rappela quelques souvenirs. Une zone érogène pour moi lorsque les choses passait à un niveau supérieur à celui-ci.

M'éloignant un peu de Leo, je ne lâchais pas sa main et me remettais sur ma plante de pieds. Les joues légèrement rosies par ce simple acte, je décidais néanmoins de reproduire le plus naturellement possible ce que j'avais vu, ce que je connaissais. Aussi plongeais-je mes yeux dans les siens, un regard suppliant qu'il ferme les yeux et ne me tienne pas rigueur de ce que je m'apprêtais à faire. J'allais reprendre un baiser. Lui voler, sans doute, n'allant pas jusqu'au langoureux, plutôt le simple que tous les japonais se font en public lorsque les regards sont tournés ailleurs. Question d'éthique. J'attendis donc un instant avant de reprendre une posture lui signifiant que j'allais goûter à ses lèvres aussi prudemment que si j'avais affaire à un nouveau né. Ma main lâcha la sienne, gagnant sa nuque, l'autre la rejoignit de l'autre côté, mes pieds s'élevèrent sur leur pointe et fermant les yeux, je plaquais doucement mes lèvres sur celle de mon accompagnateur.

Baiser effectué. Quelques secondes qui me permirent de connaître la douceur infime de ce contact, me replongeant presque dans une relation amoureuse passée. Je desserrais mes bras, les joues rouges et décidais d'oublier ce qu'il venait de se produire, espérant que ce n'était pas son premier baiser, qu'il savait que rien n'était sérieux...

"Mon cœur... On prend le tarif couple, s'il te plait ?"

J'attendis un instant, une réponse de Leo, avant de payer les entrées auprès du guichetier dont les yeux s'étaient détournés de moi. Enfin, je regardais Leo et franchis le tourniquet avant lui. Je me trouvais à présent dans le parc d'attraction.

Lorsqu'il me rejoignit, je décidais de faire comme si rien ne s'était passé. M'excusant toutefois de mon comportement.

"Désolée Leo... Et si on allait faire un tour pour voir les diverses attractions qu'il y a ?"

J'affichais un grand sourire et ne rougissait plus. Ce n'était qu'une chose banale pour obtenir la gratuité d'une attraction, rien de plus pour moi. Heureusement, il n'avait pas fallu beaucoup de choses pour convaincre l'homme de l'entrée, à mon grand soulagement.

Les attractions étaient diverses et variées. A gauche, un train fantôme, à côté, un stand d'arcade, en face, un grand huit, à sa droite, un tunnel pour les amoureux, des machines pour attraper des peluches, des jeux d'adresse, de hasard, d'autres attractions encore... Tout était lumineux. Certains plus que d'autres car ils clignotaient de couleurs, leurs noms, inscrits par des néons, auraient pu se refléter sur le ciel et, tout au bout, la grande roue. Cette dernière était la plus prisée du parc et déjà une file d'attente s'était formée.

J'avançais, comme une enfant découvrant une fête foraine pour la première fois. M'émerveillant de chaque chose, je m'arrêtais devant un miroir m'affichant telle une obèse. J'avais contemplé avec envie chaque stands, chaque manèges.

Il y avait trop de choix pour que je décide quelle attraction serait la première, aussi, je décidais de prêter attention à mon accompagnateur. La densité de la population se trouvant là, aurait pu me le faire perdre mais je pouvais, peut-être choisir une attraction qui nous conviendrait à tous les deux. Je tournais la tête à gauche, personne... A droite...