Que je vous dise qui était mon père ? C’est un type qui est allé chez le toubib une fois, dit qu’il était déprimé, que la vie lui paraissait dure et cruelle et qu’il se sentait seul dans un monde menaçant. Vous voulez savoir ce que lui a répondu le toubib ? « Le remède est simple, l’humoriste Akira Tenki est en ville. Allez le voir, ça vous remontera ! » Alors mon père éclate en sanglots : « Mais docteur » qu’il dit « Je suis Akira Tenki ! »
Le soir même je le retrouvais pendu à une corde en rentrant de l’école au beau milieu du salon : le froc baissé et un petit papier entre les mains sur lequel était inscrit « Courage Jinnai ». Courage Jinnai… qu’est-ce que ça signifie ? Lorsqu’un homme qui s’est suicidé vous parle de courage faut-il traiter cet ultime conseil le plus sérieusement du monde ? Je devais avoir sept ans et lorsqu’on m’emmena vivre chez mon plus proche parent, à savoir ma grand-mère, cette dernière me dit « Tu sais Jinnai, même s’il ne le montrait pas ton père était toujours très affecté par la mort de ta mère. Il était plus sensible qu’on ne le pensait. » Je me souviens l’avoir regardé de la manière la plus neutre au monde et de lui avoir répondu par un simple « ok ». Il n’y avait rien à dire de plus
Dans un monde comme celui-ci, quel genre d’homme fallait-il être pour survivre ? Je me suis longtemps posé la question sans trouver de réponse. Elle m’apparut un jour, comme un éclair. Mon père avait passé sa vie à donner le sourire aux gens alors que lui-même ne souriait pas. Tout ce temps il s’était mis de côté, négligé au profit des autres jusqu’à s’oublier soi-même. Il fallait se rendre à l’évidence, ce n’était pas la bonne manière d’être : dans la fosse au lion qu’était la vie, il fallait être égoïste pour survivre.
Depuis ce jour, je me suis donc efforcé de respecter cette ligne de conduite. Et lorsqu’à 18 ans je quittais le « cocon » familiale, il me fallait prendre ma vie en main. L’empoigner le plus fortement possible et s’y accrocher, faire en sorte que les autres lâchent et qu’il ne reste plus que moi en définitif. Je me suis donc inscrit à l’université de Todaï où j’ai passé le concours afin de mettre toutes les chances de mon côté et en quête d’un toit, me suis rendu à la pension d’Hinata.
Je suis Jinnai Tenki et c’est la vie que j’ai choisis de mener.